Rechercher
Derniers sujets
Mots-clés les plus tagués
Mémorandum de Francis Ponge
Page 1 sur 1
04052021
Mémorandum de Francis Ponge
(Extrait de Natare oiscem doces)
Etonnant que je puisse oublier, que j'oublie si facilement et chaque fois si longtemps, le principe à partir duquel seulement l'on peut écrire des oeuvres intéressantes, et les écrire bien. Sans doute, c'est que je n'ai jamais su me le définir clairement, enfin d'une manière représentative ou mémorable.
De temps à autre il se produit dans mon esprit, non pas il est vrai comme un axiome ou une maxime : c'est comme un jour ensoleillé après mille jours sombres, ou plutôt (car il tient moins de la nature que de l'artifice, et plus exactement encore d'un progrès de l'artifice) comme la lumière d'une ampoule électrique tout à coup dans une maison jusqu'alors éclairée au pétrole... Mais le lendemain on aurait oublié que l'électricité vient d'être installée, et l'on recommencerait à grand-peine à garnir des lampes, à changer des mèches, à se brûler les doigts aux verres, et à être mal éclairé...
"Il faut d'abord se décider en faveur de son propre esprit et de son propre goût. Il faut ensuite prendre le temps, et le courage, d'exprimer toute sa pensée à propos du sujet choisi (et non seulement retenir les expressions qui vous paraissent brillantes ou caractéristiques). Il faut enfin tout dire simplement, en se fixant pour but non les charmes, mais la conviction."
1935
Nuit
du 19 au 20 juillet 1961
(les Fleurys)
Voici pourquoi j’ai vécu
Goûtant un vif plaisir à ne rien faire que provoquer par ma seule présence (chargée d’une sorte d’aimantation à l’être des choses) — cette présence étant en quelque façon exemplaire : par l’intensité de son calme (souriant, bienveillant), par la force de son attente, par la force d’exemple de son existence accomplie dans le calme, dans le repos, par la force d’exemple de sa santé — que provoquer une intensification vraie, authentique, sans fard de la nature des êtres et des choses, qu’à l’attendre, qu’à attendre ce moment-là.
À ne rien faire qu’à attendre leur déclaration particulière.
Puis à la fixer, l’attester : à l’immobiliser à la pétrifier (dit Sartre) pour l’éternité, à la satisfaire ou encore à l’aider (sans moi ce ne serait pas possible) à se satisfaire.
À ne rien faire qu’écrire lentement noir sur blanc, très lentement, attentivement, très noir sur très blanc.
Je me suis allongé aux côtés des êtres et des choses la plume à la main, et mon écritoire (une page blanche) sur les genoux.
J’ai écrit, cela a été publié, j’ai vécu.
J’ai écrit. Ils ont vécu, j’ai vécu.
Francis Ponge
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Ven 18 Oct - 14:24 par Seawulf
» Emmanuelle vit dans les plans d'Isabelle Pinçon
Ven 18 Oct - 14:07 par Seawulf
» Lorelei (1975 / Germany Cold War)
Dim 15 Sep - 11:02 par Seawulf
» Lettres à Taranta-Babu de Nâzim Hikmet
Jeu 22 Aoû - 9:27 par Seawulf
» Entre ciel et terre
Ven 2 Aoû - 9:37 par Seawulf
» Les yeux d’Iroise
Sam 6 Juil - 17:04 par Seawulf
» Bleu nuit
Mar 4 Juin - 18:37 par Seawulf
» Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe de Deborah Heissler
Mar 14 Mai - 15:14 par Seawulf
» Carnet de vie de Flash.
Sam 4 Mai - 15:49 par Seawulf
» Entrevoir
Mer 3 Avr - 22:16 par Seawulf
» Derniers poèmes d’amour de Paul Eluard
Sam 23 Déc - 15:53 par Seawulf
» Ruby moonlight d'Ali Cobby Eckermann
Mar 19 Déc - 13:24 par Seawulf
» Les aleurodes s’émancipent…(éco-anxiété)
Jeu 19 Oct - 10:36 par Seawulf
» La voix de la vie d'Edith Bruck
Jeu 19 Oct - 10:32 par Seawulf
» Dans le soir étrillé… (Breizh)
Mer 20 Sep - 17:01 par Seawulf